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Maçonne, c'est quoi ce métier ?

Par Anne-Cécile S. Michelet
publié le 6 août 2025
« Moi, je suis maçonne ». Dites le pour faire l’expérience, la prochaine fois qu’on vous demandera votre profession. Je parie un sac de chaux qu’on vous regardera bizarrement. A ce stade ça ne sera même pas encore un jugement, juste une réaction de perplexité, comme devant une phrase trop compliquée. « Mais si, maçonne ! Le féminin de maçon ». Là, il y aura peut-être un jugement...

Elles, elles se prénomment Élise, Coralie, Mathilde. Elles ont choisi ce métier : maçonne. Elles l’exercent avec brio, sur les chantiers de notre région.
Photos Anne-Cécile S. Michelet
Photos Anne-Cécile S. Michelet

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Au début, comme beaucoup de jeunes à la sortie de l’école, Élise Adam ne savait pas vraiment quoi choisir comme métier. Elle prit donc ceux qui se présentaient : vente en boulangerie et en épicerie bio, restauration, carrosserie, peinture… Jusqu’à ce que, lassée de souffrir de n’être pas à sa place, elle s’inscrive sur une plateforme de réorientation. 


Les résultats la disaient artiste, esthète, sensible et très curieuse mais, étonnement ou pas, il lui fut conseillé le métier de crêpière, parce que « artiste d’accord, mais avec quoi on vit ?»  Élise fut donc crêpière, pour rentrer dans le moule mais là encore : mal-être. « Alors j’ai dit stop. Je me suis posée, j’ai relu le bilan, j’ai réfléchi à mes valeurs, à ce qui compte pour moi et j’ai considéré qu’il était temps, enfin, que j’écoute ma petite voix. Celle qui allait me mener au métier vraiment fait pour moi».


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Ma tante s’appelle Évelyne Adam », poursuit alors Élise, «habitante de Plœmeur et connue bien au delà : en France et à l’étranger, pour ses kerterres. Ce sont des constructions rondes faites de chaux et de chanvre. Une autre de mes tantes était maçonne, elle aussi. Quant à mon père, c’est ma maison d’enfance que, lui, a construite, toujours en chaux et chanvre. J’ai vécu dans cet environnement depuis toute petite, j’y ai passé beaucoup de temps. Puis je suis passée à autre chose. Mais quand le moment est venu, je me suis dit : pourquoi pas moi ? Pourquoi pas, moi aussi, bâtir, dans le respect des valeurs avec lesquelles j’ai grandi, celles où l’on respecte les règles de l’art et emploie des matériaux sains. C’est venu naturellement et j’ai alors cherché la formation qui me permettrait de réunir ma fibre artistique, ma sensibilité et mes valeurs profondes". 


Ce furent d’abord 3 mois de micro cursus à l’AFPA de Langueux, une formation non qualifiante mais qui permet de découvrir le bâti dans sa globalité : charpente, plomberie, électricité, ouvertures… Pour son stage, Élise a bien sûr cherché en maçonnerie. C’est comme ça qu’elle est arrivée à Greg et à son entreprise, Apothème, où elle a découvert le bâti ancien.  « Avec lui, ça a tout de suite accroché. En revanche, le bâti ancien, je n’y connaissais absolument rien. Pour moi c’était les cathédrales et la bourgeoisie, sculpter des anges sur des façades”.  Finalement Élise est restée, même après son premier stage, tout en continuant ses études. Après l’AFPA ce fut l’ECLIS et une formation en alternance, d’ouvrière en éco-construction. 


Merci aux maçonnes de ma famille


Aujourd’hui cela fait 2 ans qu’Élise est salariée d’Apothème où elle est fière de restaurer le patrimoine rural de Bretagne, avec la garantie de ne pas le massacrer. Chaque jour renouvelle sa certitude que chacun de ses gestes y respecte le bâti et aussi l’environnement. Et que le fruit de son travail évoluera bien, même dans le temps. “Ce qu’on fait, cela repose sur des valeurs et un savoir ancestral qui ont perduré jusqu’à nous ; pour moi c’est très important. J’ai enfin trouvé ma voie, grâce à ma lignée de femmes maçonnes. C’est elles qui m’ont ouvert les portes et m’ont donné le courage d’avancer. Je peux leur dire merci.

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Coralie Lugmeier, elle, fut coiffeuse, pendant 20 ans. Puis régisseuse coordinatrice dans un café associatif. Licenciement économique, besoin d’un retour au corps après ce second métier, source de trop d’insomnies. Le hasard a fait le reste : Élise et Greg étaient déjà ses amis.  Elle leur fit part de son besoin et se vit proposer un contrat de 6 mois, sur un nouveau chantier qu’ils lançaient. 


Premiers jours : montage de l’échafaudage, démontage des structures en ruine puis construction des murs de pierres. « Je me suis vraiment demandé si j’allais y arriver. La coiffure c’était déjà bien physique mais là, les premières semaines, j’ai trouvé ça vraiment costaud. Puis mon corps s’est adapté. J’étais fatiguée mais pas épuisée. Et c’était une fatigue saine”.


La pierre a soigné mon burn-out


Le travail lui a donc plu. Comme pour Élise, Coralie parle de valeurs, de celles qu’elle y a trouvées, d’écologie et d’humanité.  « Ce sont des gens vraiment humains et je crois que la pierre m’a soignée. Démonter et remonter des fondations afin que le bâtiment retrouve des bases saines, psychologiquement c’est quelque chose de fort, qui m’a guérie de mon burn-out.


Aujourd’hui, son premier contrat s’approche de la fin mais Coralie est prête à re-signer.  ”J’ai encore beaucoup de choses à découvrir et j’ai appris à aimer ce métier. J’aime savoir que ce qu’on fait va rester. Un bâtiment c’est palpable, solide, dans 100 ans il sera toujours là. Je crois que j’ai besoin de ça, de voir exister de ce que je fais”.

Par Anne-Cécile S. Michelet
publié le 6 août 2025

Elise, c’est quoi ton coté Pikoù Panez ?

 Je connais mes propres valeurs. Je n’ai pas besoin de la validation des collègues hommes qui voudraient me mettre une étiquette de genre.


Tu proposes quoi ?

Le droit de se tromper et de changer de voie. Le droit de choisir une voie même quand « les autres » ne la valident pas. Le droit de persévérer dans ce qui nous appartient.


Comment peut-on t’aider ? 

Je souhaite découvrir d’autres cultures rurales, en France et dans le monde, à travers la construction terre, pierre, la maçonnerie, la charpente. Peut-être que des lecteurs ou des lectrices ont des contacts, qui sait…

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Coralie, c’est quoi ton coté Pikoù Panez ?

Je fais un travail que la société patriarcale considère comme masculin. Cette vision n’est pas la mienne. Pour moi, un métier n’a pas de sexe et si ce métier me convient, je ne vois aucune raison de me l’interdire.


Tu proposes quoi ?

Je propose d’oser explorer, chercher, essayer… Jusqu’à trouver ce qui nous permettra de vivre pleinement en harmonie, c’est à dire 100 % au diapason avec notre personne et nos valeurs. 


Comment peut-on t’aider ? 

En parlant de l’association dont fait partie ma collègue Mathilde qui, elle aussi, a travaillé sur le chantier. L’association s’appelle Stock en Terres et elle commercialise des sacs de terre crue tamisée, prête à l’emploi pour les chantiers d’écoconstruction, à des prix très raisonnables.

Leur page est là.  On peut aussi les appeler au 06 16 42 29 90. 

On trouve leurs sacs de 25 kg, à l’Ecrouvis, à Saint Nicolas de Redon.




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