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Fin du Pass ? La culture pour les jeunes en danger

Par Sophie Bégot

Publié le 9 juin 2025
En construisant ce dossier « culture » pour notre web média, nous nous sommes interrogées à la rédaction sur la manière dont les plus jeunes d’aujourd’hui abordent ce sujet. Quels sont leurs moyens pour s’enrichir culturellement ? Qu’est-ce qui pour eux relève du domaine culturel ? Qu’est-ce qu’ils aiment ? Ont-ils tous les mêmes chances et les mêmes accès à l’offre culturelle générale ? A l'échelle de leur commune, qu'attendent-ils en matière d'accès à l'art et à la culture ?
Photo Paul Unsplash
Photo Paul Unsplash



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Autant de questions qui trouvent des réponses dans des enquêtes et des approches globales à l’échelle nationale et de manière indifférenciée pour tous les territoires. Pourtant, le contexte culturel pour les jeunes en zone rurale est loin d’être celui des zones urbaines. La dernière réforme à la baisse du pass culture a quant à elle mis un sérieux coup de canif dans l’accès à la culture et aux arts, pour les jeunes éligibles à ce dispositif.


Le hasard fait bien les choses ! 

Quand on pose les bonnes questions… on trouve souvent des réponses ! Les nôtres nous les avons dénichées sur le réseau social Linkedin. La notion de sérendipité, vous connaissez ? C’est la capacité de faire par hasard une découverte inattendue et d’en saisir l’utilité pour faire avancer les connaissances, les intuitions et les idées. 


Ainsi, il y a quelques semaines, nous sommes tombées sur le profil linkedin de Louann Kervarec, une étudiante en troisième année de communication à l’UCO de Vannes. En février dernier, dans le cadre d’un projet d’étude, elle lançait, avec une autre étudiante, Élise Jarnigon, une enquête auprès de jeunes de 16 à 25 ans de notre territoire. Leur ambition : mieux comprendre la consommation culturelle des jeunes et identifier leurs freins. Après quelques échanges, elles ont bien voulu nous confier, en avant-première, les résultats de leurs études et les préconisations qu’elles en tirent pour favoriser l’accès aux nombreux domaines culturels pour les jeunes de notre territoire. 


Pourquoi avez-vous choisi de faire cette étude ? 

Louann & Elise  :  « Après de nombreux changements, le Pass Culture vient à nouveau de connaître une énième réforme à la baisse. Pourtant, à l’origine, ce dispositif visait à démocratiser l’accès à la culture en levant les freins économiques, mais aussi en visant à renforcer la curiosité culturelle des jeunes, pour finalement créer un lien entre culture et citoyenneté à la majorité. Cela nous a interpellées et nous a donné envie de mesurer l’impact concret de cette nouvelle politique publique (à la baisse cela va de soi !)  sur les jeunes de notre génération. Nous avons donc lancé une enquête auprès des jeunes bretons sur les réseaux sociaux. Nous avons collecté plusieurs centaines de réponses que nous avons traitées dans 3 grandes thématiques : 


  • le rôle du Pass culture dans l’accès des jeunes à la culture

  • les différentes utilisations discriminantes du Pass culture 

  • les contraintes et limites du Pass culture ».


Quelles sont les principaux enseignements de votre étude ?

Depuis le 1er mars 2025, les jeunes de 18 ans font face à une réduction de la part individuelle du Pass Culture. Ce dispositif qui alloue directement à chaque jeune une aide financière pour acheter de nombreux produits culturels, est  passé de 300 € à 150 € et désormais uniquement à leur majorité.. Cela induit également la suppression totale du budget accordé jusque-là aux jeunes de 15-17 ans. En ce qui concerne la part collective de ce dispositif, plus aucune réservation n’est possible pour les projets collectifs dans les établissements scolaires. 

La réduction du Pass Culture soulève de nouveaux enjeux pour la culture. Sa place n’est plus simplement fragilisée, mais désormais en danger.  Et puis d’une manière logique et en écho, le Pass Culture a également soutenu les acteurs culturels locaux.


Louann & Elise : « Oui, et pourtant, notre enquête en proximité des jeunes de notre territoire montre que le Pass Culture a réellement changé la consommation de la culture chez les 15-23 ans. Les secteurs du livre, du cinéma et de la musique restent les secteurs les plus plébiscités par les détenteurs du Pass Cuture. Malgré tout, certains innovent et tentent des activités comme le théâtre, les arts vivants en général, des activités qu’ils n’avaient jamais essayées auparavant. 

photo Eliott Reyna
photo Eliott Reyna

C’est près de 56 % des interrogées qui ont déjà passé le cap et qui ont effectué une réservation pour une activité inconnue auparavant. La plupart ont été agréablement surpris et avouent être prêts à réitérer l’expérience. 


Au-delà du type de réservation, on remarque que le Pass Culture a eu un véritable impact dans le rapport et la consommation de la culture par ces jeunes. Il permet véritablement un accès plus facile à la culture pour les jeunes, qui la consomment de manière plus régulière".


Les jeunes de la ruralité toujours en inégalité territoriale

Votre enquête met aussi en évidence une véritable inégalité territoriale quant à l’accès aux offres culturelles pour les jeunes ruraux, même avec le Pass Culture. 


Louann & Elise : «Il est vrai que chaque utilisateur a, en théorie, le même accès à la culture grâce à ce dispositif. Mais quand on questionne les jeunes issus de milieux ruraux, on se rend compte que cela est plus difficile pour eux. En effet, ils reconnaissent parfois réfléchir davantage lorsqu’ils veulent faire une réservation, car ils doivent se déplacer pour accéder aux spectacles par exemple.Certains alors s’empêchent de faire certaines activités ou ne peuvent tout simplement pas les faire à cause de la distance. On remarque donc une forme d’inégalité structurelle à cause du nombre d’offres restreint en zone rurale, alors que les offres se font nombreuses en zone urbaine.On note d’ailleurs que 61,11 % des jeunes de milieux ruraux tentent de nouvelles activités, pour seulement 53,13 % des jeunes issus de milieux urbains. En effet, ces derniers sont plus réticents et veulent utiliser leur argent de manière réfléchie, pour des activités qu’ils sont sûrs d’aimer.

Nous pouvons également remarquer une différence d’utilisation selon les genres. Dans les livres par exemple, c’est 80,85 % des femmes qui effectuent des réservations dans le domaine pour seulement 37,50 % d’hommes, pour le théâtre, c’est 16,67 % de femmes qui effectuent ces réservations contre 12,50 % d’hommes, et dans les arts appliqués, c’est 9,52 % de femmes, pour 0 % d’hommes ». 


En synthèse, quelles conclusions tirez-vous de cette étude ? 


Louann & Elise :  « Le Pass Culture, initié par une volonté de démocratiser l’accès à la culture pour les jeunes, a marqué une évolution dans les politiques culturelles françaises, et notamment dans la part accordée à la jeunesse. En offrant un accès à une offre variée, du livre au spectacle vivant, en passant par le cinéma ou la musique, le crédit culturel fourni par l'État à apporté un véritable soutien économique à la fois aux jeunes, mais aussi aux structures culturelles.Cependant, les résultats sont mitigés dans son appropriation ; les usages sur certaines pratiques familières (livres, cinéma, concerts) et les fortes inégalités territoriales ont mis en évidence les limites structurelles du dispositif. 

Ces constats appellent à repenser l’accompagnement des jeunes dans leurs découvertes culturelles, l’offre culturelle en zone rurale et la valorisation de pratiques moins familières.

La réforme de mars 2025, en réduisant concrètement les budgets individuels et en supprimant la part collective pour les établissements scolaires, a accentué ces fragilités. Elle remet en cause l’objectif initial d’égalité d’accès à la culture, limite la portée sociale du dispositif et en fragilise des secteurs culturels déjà en difficultés..

Dans un contexte où la culture n’est pas une priorité pour les jeunes aux moyens financiers limités, cette mesure apparaît comme un retour en arrière, une régression. Ainsi, plutôt que d’abandonner l’ambition initiale, il est nécessaire de réinventer le Pass Culture avec les jeunes eux-mêmes, en intégrant mieux leurs réalités, leurs usages, leurs contraintes territoriales et en construisant un véritable parcours culturel progressif et inclusif ». 


Et si on s’inspirait aussi de tout cela pour construire avec les jeunes Grégamistes une dynamique culturelle nouvelle, pour faire mentir les statistiques et arrêter de penser, comme une fatalité, le manque d’offre culturelle en ruralité ? 


Elise
Elise

Louann
Louann

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